Sunday, August 29, 2010

Pennant Melangel

Avant de reprendre la route définitive vers Londres, puis le train pour Paris, nous décidons de faire un bref détour vers le hameau de Pennant Melangel qui est à peine mentionnée dans le livre mais dont le nom m’intrigue. Au bout d’une route étrange, envahi littéralement par des perdrix d’élevage et des faisans que nous manquons par mille fois d’écraser, nous gagnons la petite chapelle du village, St Melangell’Church. A l’intérieur, errant un peu, je trouve posée sur un lutrin et ouverte à la page du Cantique des cantiques, une grande bible aux pages lourdes et jaunes. Dans le silence de l’église, j’enregistre ce bruit de souffle et de frottement que font les pages lorsqu’on les tourne. Dehors la lumière est large dans le jardin de pierres. 




Lac de Vyrnwy, Llanwddyn puis Llangynog

Nous rejoignons le lac de Vyrnwy, lac artificiel qui doit son existence à la construction du barrage qui vit le jour entre 1886 et 1888. A lire les cartes routières, j’apprends qu’en gallois, lac se dit « llyn ».
Nous montons sur les hauteurs des rives, sur le site du Lake Vyrnwy Hotel qui est probablement l’un des plus beaux points de vue du lac et prenons là quelques photographies. Le ciel est à présent débarrassé de ses nuages. Nous rangeons définitivement notre parapluie qui n’aura servi à rien.
Plus tard, feuilletant le livre de Sebald, nous nous apercevons que nous avons pris l’exact réplique de la photographie p.310 (p.268), à cela près toutefois que le point de vue de la photographie de Sebald est légèrement plus élevé que le notre. Associé à cela le cadrage qui laisse voir un morceau de rambarde, nous en déduisons que la photographie a été prise depuis l’une des chambres de l’hôtel et que probablement Sebald y a passé quelques jours en villégiature.



Nous gagnons le barrage proprement dit qui fait également office de pont d’une rive à l’autre. Le jeune Daffyd y eut l’une des très rares conversations avec son père adoptif qui lui expliqua alors que sous les eaux se trouve aujourd’hui le village englouti de Llanwddyn d’où il fut lui-même originaire. Cette conversation dira plus tard Austerlitz, écrit Sebald, suscitera chez l’enfant qu’il fut des visions oniriques effrayantes :

« La nuit, avant de m’endormir dans ma chambre gelée, il me semblait que moi aussi j’avais été englouti par les eaux sombres, qu’il me fallait, comme les pauvres âmes de Wyrnwy, écarquiller les yeux pour apercevoir tout là-haut une faible lumière et, diffracté par les flots, le reflet troublé du clocher de pierre qui se dresse sur la rive couverte de forêt. » P 67 (p.77)

Dans la boutique de souvenir de Llanwddyn, errant un peu à la recherche de quoi ? je ne sais guère, je tombe par hasard sur une carte postale qui est l’exacte photographie de la page 66 (p.78) et qui représente une rue du village de Llanwddyn avant que celui-ci fut déplacé et recouvert par les eaux du barrage de Wyrnwy. Est-ce là quelques unes de ces âmes englouties auxquelles le livre de Sebald rend un hommage touchant et amer.




Arrivés à Llangynog, nous posons nos valises. Nous visionnons les rushs d’Hypothèse autour du grand amour, puis à la fenêtre de ma chambre, aux lueurs encore du jour déclive, je corrige les dernières épreuves de Gone. C’est le four, le moulin et la boulangerie…





Bala – route de Vyrnwy

Il pleut à Bala, ce qui est loin de nous arranger. Nous n’avons toujours pas de parapluie. Matin difficile après nuit à écumer les quelques pubs du village.
Heureuse trouvaille toutefois, à l’église du village, Christ Church. J’assiste, un peu en retrait, et sous les regards réprobateurs de l’audience, à un moment de la messe dominicale. Je parviens discrètement à enregistrer un chant accompagné par un orgue modeste. Heureuse trouvaille que je n’espérais pas même.
Le libraire de l’unique rue de Bala, dans un accent gallois impénétrable, nous conseille de nous rendre au lac de Wyrnwy (qui en gallois s’écrit Llyn Efyrnwy et se prononce approximativement « efferrrrnouille » ) par la route qui coupe à travers la montagne, étroite certes, mais belle entre mille. Elle l’est, à la fois route forestière et landes pelées. Nous achetons un grand parapluie noir.
A quelques miles encore de Bala, nous trouvons une maison isolée, modeste, un peu austère. Nous décidons qu’elle sera celle de l’enfance galloise de Jacques Austerlitz / Dafyyd Elias. 

Nous nous arrêtons au sommet espérant éclaircie, déchirement des nuages qui filent à toute vitesse, et au bout d’un quart d’heure, récompense nous est donnée. Le ciel s’ouvre par recouvrement, la lande s’éclaircit, mauve la bruyère sauvage, jaune les derniers ajoncs, et couleur rouille des fougères brûlées, la lumière courant à toute vitesse.