Toujours dans le quartier de la Mala Stràna où semblent se concentrer les événements pragois du livre de Sebald, nous gagnons le 12 de la rue Sporkova. Des voitures garées devant l’entrée ne nous permettent pas de réaliser les photographies que nous souhaitons. Peu convaincu, je sonne tout de même à l’interphone. Une voix féminine me répond mais qui ne parle ni anglais, ni français, ni italien . J’insiste quelque peu pour tenter de faire ouvrir cette porte et au bout d’un moment apparaît une nonne en tunique blanche. Elle semble timide, recroquevillée derrière de lourdes lunettes, les mains cachées sous les plis des manches, et notre visite l’embarrasse réellement. Je me souviens alors qu’à Bala, en août dernier, on prenait Pierre pour le Christ, avec ses cheveux hirsutes et sa barbe courte. Peut-être est-ce cela qui la trouble ?…
Finalement, nous apprenons que nous sommes là dans un couvent de nones de l’ordre bien restreint de Saint-Charles de Borromeo, et après négociations, et avec l’aide du gardien qui s’avère parler quelques mots d’un français télégraphique — pour la raison qu’en sa jeunesse il fit un voyage à Paris—, nous visitons, sous une surveillance bienveillante, les bâtiments du couvent. Mais il s’avère vite qu’il n’y a là nulle indice laissant à croire que l’escalier que Sebald mentionne à la page 182 (p.211), et la rosace au sol, se trouvent bien ici comme il l’écrit dans le livre. De retour dans la rue, nous restons un temps dans les environs à tenter d’élucider, de spéculations en hasardeuses spéculations, le mystère de cette cage d’escalier. L’ambassade d’Allemagne, se trouvant au bout de la rue, j’en viens à me persuader que l’escalier s’y trouve, que Sebald y aura été invité pour une quelconque lecture et qu’il aura trouvé belle l’une des montée, à l’intérieur du palais et l’aura photographiée, puis plus tard incluse dans son récit.
Nous tentons de pénétrer dans le gigantesque bâtiment jaune, mais l’ambassade est déjà fermée et finalement nous abandonnons l’idée et rejoignons les jardins du séminaire, par les sentiers enneigés, sous les pins sombres, et des arbres rachitiques. Peu à peu, la lumière s’estompe autour de nous, les jardins plongent dans l’obscurité, de petites rangées de lampadaires s’éclairent en contrebas.