Saturday, August 28, 2010

Route de Bala

Tant bien que mal nous nous extrayons de Londres qui est ville toute étendue et si peu verticale, et montons vers le nord, Coventry, puis Birmingham, avant de bifurquer à l’est, vers des villes inconnues, puis des villages aux noms incalculables : Shrewbury, Llangedwyn, Pen-y-Bont, Llangynog. Enfin nous entrons dans la vallée de Tanat que décrit Austerlitz, écrit Sebald, à la page 62 (p.71). Le temps est à de grandes vapeurs blanches qui se déplacent rapidement voilant et dévoilant alternativement d’autres nuages plus lourds, de rares trouées de ciel bleu. Nous n’avons pas de parapluie… La dernière portion de route, à quelques miles de Bala, est la vallée proprement dite de Tanat, enclavée et tortueuse, aux landes sombres, mauves et noires. Au sommet du col, nous nous arrêtons pour faire quelques prises. Puis Bala, lieu de l’enfance adoptive d’Austerlitz. Nous cherchons alentour, comme le décrit le livre « une maison perchée sur une éminence un peu à l’écart de la localité, isolée ». N’ayant d’autre indication que celle-là, nous décidons d’élire au hasard celle qui nous semblera la plus à même d’être la maison d’enfance d’Austerlitz. A ce moment de sa vie, durant son enfance à Bala, il se nomme alors Dafydd Elias. Son père adoptif est le prédicateur calviniste Emyr Elias et sa nouvelle mère se nomme Gwendolyn Elias.
Nous nous rendons au White Lion Royal Hotel, modeste auberge aux briques peintes en blanc, aux gouttières et avant-toits noirs. Ma chambre donne sur un cloché surmonté d’une girouette, gris dans le ciel gris.

Liverpool Street


Nous retournons au Great Eastern Hotel dans l’intention de prendre des photographies du Georges pub où nous décidons, parmi les quatre bars de l’hôtel, que Sebald et Austerlitz se sont rencontrés (p. 53), puis du bâtiment même de l’hôtel depuis la rue, enfin dans l’espoir d’obtenir l’autorisation d’entrer dans le temple maçonnique et d’y trouver la fresque de l’arche à trois étages reproduite à la page 55 (p.63).
Après maintes démarches auprès de divers responsables de l’hôtel auprès de qui il nous faut, à chaque fois, répéter nos intentions, et après une demi heure d’attente dans le hall, l’un des guest service manager de l’hôtel, Alexander S.,  accepte enfin de nous ouvrir les portes du temple. Nous le suivons jusqu’au troisième étage à travers divers couloirs. Le temple est totalement clos, sans fenêtre et accessible seulement par une immense porte en bois sombre à deux battants. Le sol est marbré, damé, noir et blanc, et encadré aux quatre points cardinaux par une double rangée de sièges en bois. Au centre, plus haut que les autres et surmonté d’une sorte de propylée, trône le fauteuil de celui qui dû être le personnage le plus gradé de la loge. Derrière ce trône, des colonnes en marbre veinuré, mais de couleur brune et blanche, cachent un orgue qui, nous dit-on, est tout à fait en état de fonctionnement. Un grand soleil sculpté sur fond bleu orne le plafond. Ce temple, dit Alexander S. est en l’état tel qu’il le fut lors de sa construction en 1912.
Mais nous ne trouvons pas la fresque que nous cherchons. Il n’y en a d’ailleurs aucune. Elle n’est pas non plus dans le second petit temple dont il ne reste pratiquement plus rien, qui se trouve au premier sous-sol et qui sert aujourd’hui de salle de remise en forme pour les clients de l’hôtel.
Notre guest service manager me dit que selon lui la fresque se trouve dans un autre temple maçonnique, peut-être celui qui se trouve à Covent garden et qui est accessible au public.

Il est alors possible d’en déduire plusieurs éventualités :
            - premièrement, Sebald n’a pas eu accès au temple maçonnique. On ne le lui a pas permis ou bien il n’était pas accessible, peut-être à cause des travaux de rénovation qui eurent lieu à partir de 1997
            - secondement, Sebald a eu accès au temple, mais n’avait pas avec lui son appareil photo, ce qui est peu probable dans la mesure où il photographie la verrière en rosace de ce qui est alors le dinning room. Ou bien, on peut supposer également qu’il n’avait plus de pellicule à l’intérieur de son appareil.
            - troisièmement, Sebald n’a pas été autorisé à prendre des photographies ou bien lui-même n’a pas souhaité les divulguer au grand public. Dans un cas comme dans l’autre, dans le souci peut-être de respecter ainsi la devise maçonnique inscrite au-dessus de l’autel du trône principal :


AVDI. VIDE. TACE. Ce que tu vois, ce que tu entends, ne le divulgue pas.