Wednesday, January 26, 2011

Gare Wilson

L’ancienne gare Wilson, appelée également Hlavni nadrazi, est aujourd’hui parée d’une devanture moderne, une baie vitrée ouvrant sur un espace intérieur impersonnel constitué de galeries marchandes, on y devine à peine une gare, plutôt un complexe commercial pourvu d’une armée de magasins qui fait barrière aux guichets et aux quais et dont le but, on le comprend aisément, est bien d’inciter le voyageur à quelques dernières dépenses avant la montée du train. Il reste en revanche encore cette fameuse coupole en demi cercle où se trouvait l’ancien Café Fanta, Fantova Kavarna, de laquelle Austerlitz, enfant, ne pu détacher son regard, à s’en démettre le cou dit-il, ce jour de l’été 1939 où sa mère et sa nourrice, Vera, lui firent leurs adieux, avant de le faire monter dans ce train qui devait à la fois le sauver et à la fois le séparer de ses proches. 
La coupole aujourd’hui tombe en décrépitude, les couloirs adjacents sont vides et les murs s’écaillent. On photographie : un vieux guichet, une horloge arrêtée, des décorations murales qui s’effritent, puis sur les quais, l’immense verrière de la gare telle qu’on la trouve à la page 261 (p.302), les ombres des trains, PRAHA en lettres blanches sur fond bleu. J’enregistre le départ des trains, les annonces des hauts-parleurs, et sous la coupole précisément une musique d’ambiance jouée par un piano déglingué.



Le parc Stromovka

C’est peut-être cette phrase, uniquement celle-ci, et sa mélancolie affreuse, qui m’a convaincu définitivement de me plonger dans l’adaptation du livre de W.G. Sebald : 


« là-bas en face, il y a le parc Stromovka. Tu iras de temps en temps t’y promener pour moi, dis ? J’ai tellement aimé ce bel endroit. Peut-être, si tu regardes dans l’eau sombre des étangs, peut-être qu’un beau jour tu y apercevras mon visage. » 

Le parc Stromovka ressemble à un parc anglais, on y trouve de grands saules pleureurs givrés et de couleur auburn, penchés au-dessus des étangs blancs. Le lieu est calme, mais à intervalles irréguliers passent non loin, à ses frontières, des trains de banlieue dans un ronronnement sourd, omniprésent que je finis par enregistrer. Aussi : le bruit d’un peu d’eau qui coule depuis un petit canal couvert et se qui se jette dans l’étang central. 

Un homme vient qui parle à Pierre dans une langue qu’il ne peut comprendre, et puis s’éloigne, agacé devant trop d’incompréhension. Nos pas crissent dans la neige pourtant parcimonieuse. 




Nous dînons le soir dans un restaurant simple et élégant — une ampoule suspendue et masquée par un petit abat-jour noir diffuse à quelques centimètres de la table, une lumière sombre et étroite — restaurant qui laisse pourtant l’impérissable souvenir de ses knedliky autrement traduits par quenelles de farines et que désormais, c’est décidé, nous fuirons comme la peste !

Prague : Parc des expositions de Holesovice

Dès le matin nous rejoignons le parc des expositions à Holesovice dans le nord de la ville —et non à Vysehrad comme l’écrit Sebald à la page 213 (p.247). C’est avant l’aube, un jour de neige de l’hiver 1942, qu’Agata Austerlitzova rejoint le site du parc des expositions, un chargement d’affaires personnelles arrimé sur une luge, dans le noir encore, escortées par des fantômes, ces petits groupes de personnes lourdement chargées qui péniblement, sous les bourrasques de plus en plus denses, s’acheminent dans la même direction. 

J’avais imaginé que nous aurions parcouru de même, dans une aube pâle et froide, les rues aux abords d’Holesovice, et capté l’ombre de quelques silhouettes, mais nous ne sommes parvenus à quitter l’hôtel avant 9h30, le crâne encore engourdi des quelques cinq ou six cocktails étonnants ingurgités la veille au Tretter’cocktail bar… hum.


Les abords du parc des expositions sont plutôt insignifiants, parsemés d’affiches publicitaires, d’entrepôts modernes, l’esplanade même est encombrée de préfabriqués qui rendent toute photographie de face bien inutile. Seul le Palais proprement dit, et peut-être un ou deux autres bâtiments à ses flancs, retient notre attention, qui est l’unique vestige de l’exposition universelle de 1891. Il s’agit d’une sorte de grande halle aux verrières décorées de vitraux et surmontée d’un toit courbe en zinc de couleur vert-laiteux et d’un clocher haut d’une vingtaine de mètres qui s’accorde bien au ciel gris cendre de ce matin. Nous tentons d’y pénétrer, mais nous sommes sitôt refoulés car l’espace est en construction pour une prochaine exposition. Nous tentons d’expliquer notre singulier projet, pis encore, à la vue de l’appareil photo l’agacement se fait sentir, rien n’y fait, maudit soit l’hospitalité tchèque … nous contournons finalement le palais pour nous perdre quelque peu entre les constructions modernes, puis en surplomb d’un bassin en béton, résultat me semble-t-il de la greffe soviétique, et dévolu à des attractions aquatiques bien improbables sous ce climat, nous parvenons à photographier le bâtiment avec un grand angle qui lui donne une belle allure vaguement orientale.