Thursday, August 26, 2010

Liverpool Street

Ce voyage est le premier de trois voyages que Pierre Nouvel et moi-même décidons de faire sur les traces de Jacques Austerlitz, personnage principal du roman éponyme de W.G. Sebald. Le livre est parsemé d’indices des divers passages d’Austerlitz au cours de sa vie dans plusieurs villes d’Europe, —Anvers, Bruxelles, Londres, Prague, Paris— indices présentés conjointement sous forme de descriptions et de photographies réalisées à la fois par le personnage et le narrateur. L’objectif de ces voyages, outre qu’ils créent pour nous une proximité belle et étrange vis à vis d’Austerlitz et finalement de Sebald lui-même, est avant tout de capturer un certain nombre d’images et de sons qui ensuite serviront de matière, de décorum à l’action scénique que nous envisageons.

Nous déposons nos bagages à quelques encablures de Pancras Station, dans le très chic Bloomsbury hotel qui se trouve dans le quartier même où Austerlitz avait son lieu de travail, « non loin écrit Sebald du British Museum ».
Rendez-vous dans le hall de l’hôtel quelques minutes plus tard pour ne perdre aucune miette des dernières lumières du jour. Pierre réalise quelques prises de vues du quartier, de mon côté, j’enregistre des sons de rue dont je ne suis guère convaincu, des bruits de voiture, des bribes de discussion, le passage des uns, des sirènes qui sont à peu de chose près les mêmes que partout ailleurs.  Puis nous nous rendons en taxi à la Liverpool Street, à l’est de la ville, dans le quartier de la City.
L’histoire anglaise de Jacques Austerlitz commence à la Liverpool Station où il arrive en 1939, alors âgé de cinq ou six ans, seul, après un voyage de plusieurs jours à travers l’Europe. In extremis, sa mère l’aura sauvé de Prague déjà alors soumise à l’armée allemande et à l’ombre du nazisme. Il laissera derrière lui, pour toujours, mère et père devenir fantôme et s’éteindre dans le marasme de la guerre et des déportations.
A la Liverpool Station, nous faisons quelques prises du grand hall de la gare alors envahi de monde à cette heure d’affluence, les sorties de bureaux, sans toutefois parvenir à accéder aux voies qui nous restent interdites, cachées par une rangée de magasins inélégants qui abîment tout. Cela nous prive d’une image qui m’avait semblé indispensable. Je présume pourtant qu’à la fin de ce voyage, les omissions et les ratages se compteront par poignées. Toutefois, en écho à la page 155 du livre de Sebald dans son édition originale (p. 179 de la version poche), nous prenons des clichés des belles arcades de la grande verrière de la gare.
Je n’avais pas vu au moment d’entrer dans le bâtiment, peut-être à cause de la pluie, le petit monument en hommage aux enfants orphelins exilés des quatre coins de l’Europe qui se trouve sur le parvis et qui représente des statuts d’enfants, grandeur nature : une petite fille assise sur une valise tenant sous le bras son ours en peluche —en bronze donc—, cinq enfants au milieu de rails de chemins de fer et entourés de bornes mentionnant les grandes villes européennes où furent passés ce que l’on nomme les Kindertransport.












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